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Transparence salariale : tout comprendre sur la nouvelle directive européenne

Rédigé par Alexis Desfriches Doria | 31 oct. 2025 16:35:24

 

 

1. Pourquoi cette directive ?

L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au sein de l’Union européenne reste estimé à environ 13 %, un chiffre stable depuis plusieurs années malgré les politiques d’égalité.

Pour y remédier, l’Union européenne a fait un choix fort : miser sur la transparence. En rendant les informations salariales accessibles, comparables et vérifiables, elle permet aux entreprises comme aux salariés de questionner les écarts de manière objective. Plus les pratiques sont visibles, plus il devient difficile de maintenir des inégalités injustifiées.

Au-delà du contrôle, l’enjeu est culturel : instaurer une véritable culture de la clarté, où chaque organisation doit pouvoir expliquer et justifier la rémunération d’un poste selon des critères explicites (expérience, performance, compétences, ancienneté).

 

 

2. Les principales obligations prévues

La directive introduit plusieurs obligations nouvelles pour les employeurs, à toutes les étapes de la relation de travail.

Avant l’embauche :

  • Les entreprises devront indiquer la fourchette de rémunération (salaire fixe ou fourchette indicative) dans les offres d’emploi ou avant le premier entretien.

  • Il sera désormais interdit de demander à un candidat son historique salarial, pour éviter que les écarts passés ne se reproduisent.

Pendant la relation de travail :

  • Les salariés pourront demander des informations sur le niveau de rémunération moyen, par catégorie de poste ou de compétence équivalente.

  • Les critères de fixation et d’évolution des salaires devront être objectifs, mesurables et accessibles : formation, expérience, performance, ancienneté, responsabilités…)

Reporting et suivi :

  • Les entreprises de plus de 100 salariés devront publier régulièrement des indicateurs sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

  • En cas d’écart supérieur à 5 % non justifié, l’employeur devra mener une évaluation conjointe avec les représentants du personnel pour identifier et corriger les causes.

En cas de litige :

La charge de la preuve est inversée : c’est désormais à l’employeur de démontrer qu’aucune discrimination salariale n’a eu lieu. Cette mesure renforce considérablement la responsabilité juridique des entreprises.

 

 

3. Ce que cela change pour les entreprises françaises

La France disposait déjà d’un outil national : l’Index de l’égalité professionnelle, obligatoire depuis 2018 pour les entreprises de plus de 50 salariés.

 

Mais la directive européenne va plus loin :

  • Elle renforce la transparence individuelle,

  • Elle impose une communication systématique sur les grilles salariales et les écarts.

  • Elle harmonise les pratiques à l’échelle européenne, créant un socle commun de comparabilité.

Les entreprises françaises devront donc adapter leurs processus, notamment :

  • Clarifier les référentiels de poste et les niveaux de compétences.

  • Formaliser les critères de rémunération et les rendre accessibles.

  • Centraliser les données issues des SIRH et de la paie.

  • Mettre en place un suivi régulier des écarts et des ajustements correctifs.

4. Les défis à anticiper

Les entreprises devront d’abord faire face à la complexité croissante des données de rémunération. Les salaires fixes ne suffisent plus à représenter la réalité des packages : bonus, variables, avantages en nature, participation ou intéressement doivent être intégrés dans l’analyse. Cette diversité impose de disposer d’une vision consolidée, homogène et fiable de l’ensemble des composantes de la rémunération, afin de garantir la cohérence des comparaisons et la justesse des écarts constatés.

La transparence salariale appelle aussi un travail de communication interne en profondeur. En rendant les informations plus visibles, elle peut parfois bousculer les habitudes et les équilibres managériaux. Les équipes RH devront donc accompagner les managers et les collaborateurs tout au long du processus : expliquer la démarche, clarifier les critères de rémunération, prévenir les incompréhensions et instaurer un dialogue fondé sur la confiance et la pédagogie.

Enfin, la directive instaure un suivi dans le temps, et non un audit ponctuel. Les entreprises devront être capables de mesurer, analyser et actualiser leurs indicateurs régulièrement, ce qui implique une rigueur méthodologique et des outils fiables. L’automatisation devient alors essentielle : seules des solutions capables de produire des reportings continus et d’émettre des alertes en cas d’écarts persistants permettront de suivre la conformité dans la durée et d’inscrire la transparence salariale dans une démarche d’amélioration continue.

 

 

5. Une opportunité pour repenser la politique salariale

Au-delà de la contrainte réglementaire, cette directive constitue un levier d’attractivité, de cohérence et de performance.

 

Une politique salariale claire contribue à :

  • Renforcer la confiance interne et la crédibilité RH.

  • Favoriser la mobilité et la fidélisation des talents.

  • Démontrer l’engagement de l’entreprise en matière d’équité et de responsabilité sociale.

En structurant les données de rémunération, les organisations gagnent aussi en cohérence et en pilotage budgétaire. La conformité devient alors un tremplin pour une politique salariale plus juste, plus lisible et plus stratégique.

 

6. Et maintenant ?

La transposition nationale doit intervenir avant le 7 juin 2026, mais les entreprises ont tout intérêt à anticiper dès maintenant.

L’anticiper, c’est :

  • Éviter les ajustements précipités et les surcoûts liés à des corrections tardives.

  • Maîtriser les coûts de mise en conformité grâce à une préparation progressive.

  • Renforcer la crédibilité RH et financière de l’entreprise auprès des salariés et des investisseurs.

La transparence salariale ne sera bientôt plus une option, mais une nouvelle norme de gouvernance sociale — au même titre que la responsabilité sociale, l’égalité ou la diversité.